Ma maison est construite depuis une semaine maintenant. Elle est exactement comme je l'imaginais. Les rondins de bois un peu plus gros que prévu lui permettront de mieux résister à la neige. Faire un petit hall dans l'entrée avant de déboucher dans le pièce principale était vraiment une bonne idée. Je m'y sens bien.

Cette lampe mal éteinte avant de partir à la réunion. Ce n'était vraiment pas de chance. Toute la maison est partie en fumée. Il ne reste rien.

Les gens du village sont tous venus me donner un coup de main pour la reconstruction de la maison. C'était un fameux travail et tout le monde y a contribué. Elle est aussi belle qu'avant. Mes voisins et les gens du village ne sont pas spécialement plus gentils que les autres mais c'est comme ça que l'entraide fonctionne chez nous. Ils seraient tous contents que je fasse pareil pour eux. Et je ferais bien entendu pareil pour eux.

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Je viens de verser ma redevance au pot commun de la petite communauté de voisins. Cet argent servira à aider celui d'entre nous qui souffrirait d'un incendie ou d'un gros ennui de santé. Nous avons décidé la création de ce pot quelques jours après l'accident de Henry-Kévin. Son car-port s'était effondré et l'argent a permis de le reconstruire rapidement. Il faut dire qu'il l'avait construit un peu n'importe comment !

Nous étions tous d'accord d'utiliser le pot commun. Tous les voisins y contribuent et il ne sert heureusement pas trop souvent. Il nous permet de voir l'avenir plus sereinement en sachant qu'une somme d'argent — assez rondelette maintenant — est disponible en cas de pépin.

Vu le montant du pot, nous avons décidé de le déposer à la banque. Je me chargerai de la gestion du compte et ferai un compte-rendu auprès des autres. Ça ne devrait pas me prendre trop de temps.

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Le courrier de ce matin me laisse perplexe. La société d'assurances — je persiste à dire que ce n'était pas une bonne idée de confier la gestion de cet argent commun à une société — m'informe qu'elle ne peut plus m'assurer. La raison qu'elle évoque est aussi brève qu'incompréhensible.

Au vu de votre dossier, nous vous informons que nous ne pourrons plus vous assurer à l'échéance de votre police, soit le 14 août prochain.

Je ne comprends pas. Ma maison n'est pas très ancienne. Je n'ai pas fait de travaux récemment. J'ai toujours payé mes primes en temps et en heure. L'assurance est un système solidaire permettant de répartir un risque. La société d'assurance — c'est sans doute là que je me trompe — n'est là que pour gérer notre pot commun. Pourquoi ne veut-elle plus que j'y participe ?

C'est peut-être lié à la construction de cette nouvelle scierie près de chez moi ?

Le fait que les employés de la société d'assurance reçoivent un pourcentage du magot comme paiement les encourage à ce qu'il soit le plus conséquent possible. Ils cherchent donc probablement à n'assurer que les personnes sans risque.

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Kafkaïen ou simplement absurde ?


Crédit photo chez DeviantArt par greggorievich