Pas content. Non, décidément, je ne suis pas content. Il faut que je le dise. Il est impératif que je le crie.

— Tu veux manifester et tu n'as même pas de tracteur1 !

Je ne suis pas content. Vraiment pas content. Ça suffit. Je suis suffisamment énervé que pour oser te le dire. Vas-tu m'écouter ?
Non.

Ils m'ont dit que pour être entendu par les patrons, il fallait casser l'outil. Éteindre les fourneaux. Mettre le feu aux entrepôts. Casser les vitres. Frapper les cognes. Et si les collègues veulent travailler, on les en empêchera. Pas question que quelqu'un entre dans l'usine. Si les patrons perdent de l'argent alors ils écouteront. Si j' ai faim, ils s'en foutent.

Seulement là, c'est contre l'état que j'en ai. Si je casse, je casse les biens publics… et ces routes, ces panneaux, ces immeubles, ces parcs… c'est — en partie — moi qui les paie. Ils contribuent à mon bien être. Les patrons — les politiques en l'occurrence — ils s'en foutent. Ce ne sont pas mes collègues que j'emmerde, c'est tout le monde.

Est-ce que je suis suffisamment en colère pour tout casser. Pour faire une révolution ? Tous à la Bastille ! Ça nous concerne tous ou moi seul ou seulement les ouvriers, les enseignants, les agriculteurs, les avocats, les postiers, les pompiers, les infirmiers, les métallos, les conducteurs de train…

Nous sommes plusieurs à être fâchés d'accord, c'est parfois difficile mais nous restons chanceux. On ne va pas casser le système quand même !

On ne va pas casser le système (pour l'instant) et ils le savent nos patrons-politiques. On leur a donné le pouvoir pour quelques années et ils faut qu'ils le méritent. Ils doivent prendre les décisions en « bon père de famille ».

Alors pour me faire entendre, je ne casse pas les routes avec mon tracteur / grue parce j'en ai un, je ne bloque pas les navetteurs2 parce que j'ai le pouvoir du cheminot3, je…

Je…

J'essaie d'être inventif ! Je ne veux pas casser parce que la violence n'est pas un bon moyen de communication. Je veux cependant être entendu. Je ne suis pas content, rappelle-toi ! Comment faire ? La violence est la réponse la plus facile, immédiate, sans réflexion. On va leur casser la gueule tu vas voir. Ils vont écouter.

Peut-on se faire entendre sans gueuler ? Peut-on imaginer des actions qui interpellent les patrons-politiques sans embêter les autres citoyens et sans violence ? Je suis naïf. Rêvons d'un mois trains gratuits, de fin d'année à l'école sans examen, de boite aux lettres vides dans tous les ministères, de maïs plantés dans les pelouses…

Se faire entendre sans gueuler…


Crédit photo chez deviantart par Jayw10990. Ben lui, il a un tracteur !


  1. Auteur anonyme au hasard de Twitter. Et pas de shampoing non plus remarque. 

  2. Si un français passe par ici, qu'il ne s'étonne pas. Ce terme, c'est du belge. Il désigne les gens qui font la navette en train ou en bus entre leur domicile et leur lieu du travail. Adoptez-le ! 

  3. Le conducteur de train fait un beau métier — il faut le rappeler — qui consiste à conduire les gens au travail sans qu'ils soient coincés dans les embouteillages